Nous sommes mercredi matin et un beau soleil éclaire la verte pelouse du stade Baudras, qui s’est mise en mode Fédérale 2. L’envie de la fouler est grande mais il faudra attendre mercredi prochain pour voir les hommes de Clément Vidal et Matthieu Llari y galoper, le sourire aux lèvres, lors de la reprise de l’entraînement, en vue des 8es de finale du 5 juin prochain face à Grenade-sur-Garonne.
Tout au long d’une saison semée d’embûches, constellée de grands moments et riche en bonnes surprises, les rugbymen du RCAB se sont toujours préparés juste pour le match suivant, sans d’autre idée en tête que de le remporter pour être en course pour les phases finales.
Ils ont souvent ravi leur public à domicile, en leur offrant une kyrielle d’essais spectaculaires mais aussi du combat d’avants, âpre et disputé. Et à l’extérieur, ils se sont arcboutés pour obtenir des victoires, gratter des bonus ici et là pour au final décrocher la 2e place derrière l’intouchable CO Le Puy. Peut-être n’était-il pas la meilleure équipe, sans doute n’étaient-ils pas considérés au début de la saison comme de concurrents sérieux à la montée par leurs adversaires et l’opinion rugbystique.
Eux-mêmes et leur staff n’avaient pas affiché des ambitions démesurées, par peur d’être accusés de prétentions utopiques. Ils ont choisi de faire leur chemin en embuscade, en outsider, en empêcheur de tourner en rond un championnat dévolu à bien plus fort qu’eux… sur le papier. On entend au loin le discours de ceux qui pensent que le RCAB a eu de la chance, a été avantagé à un moment ou un autre par l’arbitrage mais bien d’autres équipes en ont profité allégrement. Il s’est murmuré qu’il avait bénéficié d’un tirage favorable lors les 32 es de finale du championnat de France par rapport à certains de ses rivaux en championnat.
Se défaire de Couches sur deux matches ne fut rien pourtant d’une promenade de santé, d’un passe-droit. Peut-on leur en vouloir de s’être sortis de cette double confrontation avec les honneurs avant de tirer en 16es de finale l’équipe classée première au niveau national, à savoir les Angles ?
Adrien Tronchet et ses copains ont accepté le défi, l’ont préparé dans l’unité, la solidarité et ne sont pas plaints des blessures qui chacun sait, affectent tous les effectifs en fin de saison. Ils ont joué avec le cœur, l’envie et une bonne dose de talent, quoi qu’on en pense.
Avec des jeunes issus du cru, des gars d’expérience qui ont pris goût à cette aventure humaine, qui a pris sa source dans un stage d’avant-saison réussi.
Ensuite, une bonne étoile a veillé sur un groupe senior qui n’a laissé personne de côté, avec des coaches concernés, des dirigeants à l’écoute et des bénévoles et supporters qui ont leur part dans cette réussite. « C’est la montée d’un club tout entier » résume Clément Vidal, un coach heureux qui a bien voulu nous raconter ce dernier match, au scenario incroyable.
Est-ce que vous réalisez que vous êtes en Fédérale 2 ?
Honnêtement, j’ai encore du mal à y croire. Je suis encore euphorique parce que depuis le début de ces phases finales, ce que l’on a vécu est irrationnel. C’est un authentique exploit qu’ont réalisé les gars. J’ai reçu beaucoup de messages de gens qui m’ont écrit, que c’était énorme, fantastique, ce que nous avions réussi. Qui l’eut cru ? On est dans un rêve. Couches, c’était pas facile et après tu prends le premier national. C’est fantastique, il n’y a pas de mots !
“En championnat, on s’est habitué à la difficulté”
Qu’est-ce qui a été déterminant dans votre parcours ?
D’abord la difficulté que nous avons rencontrée en championnat où toutes les équipes ont vendu chèrement leur peau jusqu’au bout. Jusqu’au dernier match contre Saint-Jean-de-Bournay, qui a joué le jeu. On ne nous a rien donné. Donc, on s’est habitué à la difficulté.
Et puis, franchement, au tout début, pas mal de gens se sont dit : mais, c’est qui, ces peintres ? Ils vont craquer en fin de saison. On va les rotofiler (sic). Cela nous a aidés d’être sous-estimés. On n’a jamais été considérés dans les journaux spécialisés, sur la télé locale, comme si on n’avait rien à y faire.
Alors, on est resté à notre place, ça a évité de mettre une pression inutile sur les gars et ça a encore plus soudé le groupe senior tout entier. On a respecté tout le monde, fait preuve d’humilité en préparant tous nos matches de la même façon. On s’est retrouvé parfois en tête du classement et sur le podium.
Mais les gars sont restés les pieds sur terre, contrairement à certains dans la poule puis en phases finales. Des saisons comme celle-là, on en vit pas cinquante, c’est beaucoup d’émotions au final !
Les Angles étaient logiquement favoris : à quel moment vous vous êtes dit qu’ils pouvaient être prenables ?
J’ai eu l’entraîneur de Léognan, leur précédent adversaire en phase finale, au téléphone lundi, juste après le tirage. Il m’a dit que les Angles ne l’avait pas tant impressionné que cela et lorsqu’il m’a fait passer les vidéos du match, j’ai eu deux réflexions : les Angles sont une très belle équipe, mais semblent friables. Il y avait quelque chose d’intéressant à aller chercher. L’idée première était d’être à la hauteur à la maison pour y garder notre invincibilité et être éventuellement les premiers à les battre cette saison. Et puis, ensuite, le fait de les avoir battus et d’avoir dix points d’avance à la fin de ce match (27-17) a boosté les gars. Le contexte chaud de fin de match, les menaces formulées par nos adversaires à notre encontre puis lors de la réception d’après-match montraient bien qu’ils étaient plutôt fébriles.
Venons-en au match retour ?
Clairement, on s’est fait manger. Leur victoire est méritée (31-24), incontestablement. On a eu très peu de ballons. Il y a eu une flopée de mauvais gestes de leur part mais on s’y attendait car on nous avait promis l’enfer, une boucherie selon l’expression de l’un d’entre eux. Il y a eu pas mal d’intimidations mais cela a eu pour effet de resserrer le groupe. Les gars ont été d’un courage incroyable. Pourtant, je vous prie de croire qu’ils ont ramassé.
“Se qualifier après voir subi tout cela, c’est magnifique”
Le tournant du match se passe à trois minutes de la fin. Expliquez-nous.
Les Angles bénéficient d’une pénalité et j’étais un peu déconfit car s’il la passait, on était éliminé. Je pensais qu’ils allaient la prendre, d’autant qu’ils ont un bon buteur. J’ai vu qu’ils faisaient le choix de la touche, ça m’a surpris. Je crois que leur staff a été aveuglé par l’idée de nous enfoncer comme des m…., de nous montrer qui était le patron en nous infligeant un paquet d’essais.
Ce pêché d’orgueil, la méconnaissance du règlement aussi, les a conduits à l’élimination. Vouloir nous détruire leur a coûté la qualification.
Passer les 16es de finale après voir subi tout cela, c’est magnifique. Cela dit, je n’en veux ni aux joueurs ni aux dirigeants des Angles, d’ailleurs leur capitaine ainsi que leur numéro 6 sont venus nous serrer la main à la fin du match. Le premier a même échangé son short avec Adrien Tronchet notre capitaine.
“C’est tout notre parcours qui a fait de cet instant
un moment magnifique. Inoubliable.”
Et au coup de sifflet final, c’est le chaos d’un côté et une immense joie de l’autre ?
Avec Mat (Matthieu Llari), on savait qu’on était qualifié. Lui s’est précipité vers les joueurs pour les féliciter et moi, j’ai couru, jamais aussi vite je crois, les bras levés vers la tribune de nos supporters qui ont été exceptionnels tout au long de la saison.
Je voulais partager ce moment avec eux. J’étais dans le black-out ! C’était une émotion forte, l’une des plus belles de ma vie sans doute, même si j’en ai connu de belles à Mazamet tout jeune et ensuite au CASE. J’ai eu une pensée pour mon père (décédé l’année dernière). C’est tout notre parcours qui a fait de cet instant un moment magnifique. Inoubliable.